Comme toujours, si l’idée de départ se comprend aisément à savoir empêcher celui qui ne fait aucun effort en matière environnementale de pouvoir s’en enorgueillir, faussant ainsi le jeu par rapport à ceux qui y consacrent des moyens importants, la méthode choisie par le pouvoir exécutif est contestable tant elle exigera, y compris pour les entreprises vertueuses, à produire des rapports complexes pour prouver aux uns et aux autres leur bonne foi…
Illustration avec deux décrets publiés le 14 avril, presque passés inaperçus (attention, public sensible s’abstenir…) :
Le premier décret (décret n° 2022-539 du 13 avril 2022 relatif à la compensation carbone et aux allégations de neutralité carbone dans la publicité) fixe les modalités de mise en œuvre de la communication sur les mentions relatives à la neutralité carbone, en particulier les informations à fournir au public.
Sont visées les allégations suivantes : “ neutre en carbone ”, “ zéro carbone ”, “ avec une empreinte carbone nulle ”, “ climatiquement neutre ”, “ intégralement compensé ”, “ 100 % compensé ”, et sont concernés tous les types de publicités.
Ainsi, les entreprises devront, pour être en mesure de faire ces assertions, produire un bilan des émissions de gaz à effet de serre du produit ou service concerné couvrant l’ensemble de son cycle de vie. Ce bilan est mis à jour tous les ans.
Ce bilan est réalisé conformément aux exigences de la norme NF EN ISO 14067, ou tout autre standard équivalent avec les exigences de cette norme.
En outre, l’annonceur mentionné devra publier sur son site de communication au public en ligne, ou à défaut sur son application mobile, un rapport de synthèse décrivant l’empreinte carbone du produit ou service dont il est fait la publicité et la démarche grâce à laquelle ces émissions de gaz à effet de serre sont prioritairement évitées, puis réduites, et enfin compensées.
Ce rapport comprend trois annexes détaillant son contenu et présentées dans l’ordre suivant :
1° Une annexe présentant le résultat du bilan, ainsi qu’une synthèse de la méthodologie d’établissement de ce bilan. Cette synthèse précise notamment le périmètre retenu pour la définition du produit ou service concerné, les unités fonctionnelles ou déclarées utilisées, les frontières du système considéré, les modalités du traitement de l’étape d’utilisation et de fin de vie, les données d’émissions prises en compte pour l’électricité ou le gaz consommés provenant des réseaux. Elle précise le ou les pays ou zones géographiques dans lesquels ont lieu les émissions, et les émissions dues au transport international, dans la mesure où ces données sont disponibles
2° Une annexe établissant la trajectoire visée de réduction des émissions de gaz à effet de serre associées au produit ou au service dont il est fait la publicité, avec des objectifs de progrès annuels quantifiés, couvrant au moins les dix années suivant la publication du rapport au titre de cette section. Une trajectoire actualisée couvrant une nouvelle période de 10 ans est établie tous les 5 ans suivants la publication du premier rapport ;
3° Une annexe détaillant les modalités de compensation des émissions résiduelles, qui précise notamment la nature et la description des projets de compensation. Cette annexe présente également des informations sur leur coût, en les classant selon les catégories suivantes : en-dessous de 10 €/ tCO2, entre 10 et 40 €/ tCO2 ou au-dessus de 40 €/ tCO2. Cette annexe démontre que le volume des émissions réduites ou séquestrées via cette compensation correspond aux émissions résiduelles de l’ensemble des produits ou services vendus et concernés par la publicité. Cette annexe précise également les modalités mises en œuvre par l’annonceur afin de s’assurer qu’elle ne procède pas à un double-comptage de la compensation permise par ces projets. En particulier, elle présente les modalités du retrait des réductions et séquestrations d’émissions du marché lorsqu’il est fait recours à des crédits de compensation. Enfin, cette annexe détaille les efforts mis en œuvre pour assurer la meilleure cohérence possible entre les zones géographiques dans lesquelles les projets sont réalisés et où ont lieu les émissions.
Cette publication est tenue à jour annuellement, pendant toute la durée de commercialisation du produit ou du service pendant laquelle l’annonceur affirme dans une publicité que ce même produit ou service est neutre en carbone ou emploie toute formulation de signification ou de portée équivalente. La mise à jour permet notamment d’assurer le suivi de l’évolution des émissions associées au produit ou service en comparaison avec la trajectoire de réduction mentionnée précédemment.
Le lien internet ou code à réponse rapide permettant d’accéder à cette publication est indiqué sur la publicité ou l’emballage portant l’allégation de neutralité carbone.
Le second décret (décret n° 2022-538 du 13 avril 2022 définissant le régime de sanctions applicables en cas de méconnaissance des dispositions relatives aux allégations de neutralité carbone dans la publicité) fixe les sanctions applicables en cas de manquement à ces obligations.
Ces nouvelles règles s’appliqueront à partir du 1er janvier 2023. Ces deux textes sont pris en application de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, et notamment ses articles 12 et 147.
Bref, il est à parier que beaucoup d’entreprises pourtant exemplaires hésiteront à communiquer sur leur bilan carbone en raison de la complexité de ce qui est exigé par le ministère…