Dans nos systèmes démocratiques, la nomination du Premier ministre par le Président est un moment clé, censé incarner la continuité et la stabilité des institutions.
Suite aux dernières élections législatives, le Président a indiqué que « la stabilité institutionnelle de notre pays » – dont il est le « garant », dans son rôle « d’arbitre » – « impose de ne pas retenir » certaines options quant au choix du premier ministre.
Cela a généré un retard hors norme dans la nomination du nouveau gouvernement. Ce retard, bien que motivé par des considérations de prudence et de sécurité, soulève un paradoxe troublant : en retardant la nomination, le président semble aller à l’encontre des principes mêmes des institutions qu’il cherche à préserver.
Alors comment faire ?
La question n’est pas de critiquer l’action présidentielle. En effet, le choix d’un Premier ministre est crucial. Ce dernier est souvent chargé de former un gouvernement capable de faire face à des défis économiques, sociaux et politiques complexes. Un choix précipité pourrait conduire à une instabilité gouvernementale, à des crises politiques ou à des blocages institutionnels, surtout dans des contextes de coalitions fragiles ou de tensions partisanes intenses. Le président, en tant que garant du bon fonctionnement des institutions, peut alors estimer qu’un délai est nécessaire pour s’assurer que le futur Premier ministre dispose du soutien politique nécessaire pour mener à bien son mandat.
De plus, dans des situations de crises ou de transitions délicates, prendre le temps de consulter largement, d’évaluer les options, et de construire un consensus autour d’une personnalité capable de diriger le gouvernement peut sembler une approche raisonnable, voire responsable. L’objectif est de minimiser les risques d’instabilité politique qui pourraient affaiblir la gouvernance du pays.
Toutefois, ce même retard peut apparaître comme une atteinte aux principes fondamentaux des institutions démocratiques. Dans de nombreuses constitutions, la nomination rapide d’un Premier ministre après les élections est un élément essentiel pour assurer la continuité de l’exécutif et éviter une vacance prolongée du pouvoir. Le délai excessif dans cette nomination peut être perçu comme une forme de paralysie de l’État, où l’absence d’un gouvernement pleinement opérationnel entraîne des blocages dans la prise de décision, la mise en œuvre des politiques publiques et la gestion des affaires courantes.
Cette situation peut également créer une incertitude politique qui sème le doute non seulement chez les citoyens, mais aussi parmi les partenaires internationaux et les acteurs économiques. L’absence de clarté sur la direction politique du pays peut affaiblir la crédibilité de l’État, ralentir les réformes nécessaires, et nuire à la confiance des investisseurs.
En outre, le retard dans la nomination d’un Premier ministre peut être interprété comme un signe de faiblesse ou d’indécision du président, ce qui peut éroder l’autorité présidentielle et alimenter des critiques quant à sa capacité à diriger le pays. Le respect des délais institutionnels est souvent perçu comme un indicateur de la solidité des institutions démocratiques ; tout écart à ces normes peut être vu comme une dérive dangereuse.
Un Équilibre Délicat
Le paradoxe auquel est confronté un président retardant la nomination d’un Premier ministre est donc complexe. D’un côté, il y a la nécessité de garantir une stabilité à long terme en prenant le temps nécessaire pour choisir le meilleur candidat possible. De l’autre, il y a le risque de compromettre cette même stabilité en laissant le pays dans un état de flou institutionnel.
Le véritable enjeu pour le président réside dans la gestion de ce temps d’attente. Il doit être capable de justifier ce délai de manière transparente, en expliquant clairement les raisons et les bénéfices attendus de ce choix. Il doit aussi s’assurer que ce délai ne dépasse pas une durée raisonnable, afin de ne pas créer une crise de confiance ou une situation de blocage institutionnel.
Un Test de Responsabilité pour les Forces Politiques
Le retard dans la nomination d’un Premier ministre peut conduire à une situation où l’instabilité perdure, notamment si le nouveau chef du gouvernement se retrouve rapidement confronté à une motion de censure ou incapable de mener une véritable action politique en raison de l’éclatement des forces politiques à l’Assemblée nationale.
Cependant, cette situation, bien que potentiellement fragile, pourrait aussi devenir une opportunité pour ces forces politiques de démontrer leur maturité. En dépassant leurs différences pour travailler dans l’intérêt commun, elles prouveraient leur capacité à être responsables et à servir le bien public. Ce contexte difficile pourrait ainsi devenir un révélateur, montrant si les partis en présence sont capables de s’élever au-dessus des querelles partisanes pour garantir la stabilité du pays et le bon fonctionnement de ses institutions.