Au-delà des aspect anticoncurrentiels et écologiques, sur lesquels nous nous sommes déjà exprimés à plusieurs reprises, l’arrivée fracassante de géants comme Shein et Temu est aussi entrain de redistribuer les cartes du commerce textile en France. Avec des livraisons directes depuis la Chine, une gestion ultra-réactive des stocks, et des offres renouvelées en permanence, ils imposent un modèle inédit.

Ce modèle est en rupture avec le modèle logistique classique calqué sur Amazon (stockage massif, livraison depuis des entrepôts nationaux ou européens).

Les livraisons sont directement orchestrées depuis les hubs asiatiques via des plateformes numériques.

De ce fait, les entrepôts XXL construits récemment sont menacés. Leur coût est trop élevé, l’automatisation est parfois inadaptée à la flexibilité demandée. Avec une pression forte sur les délais, la réactivité et la rotation des stocks : les logisticiens traditionnels doivent s’adapter à des cadences impossibles à suivre sans refonte complète.

Dans ce cadre, que faire ? Tout d’abord, un constat. La lutte sera dure.

Les géants chinois jouent sur les failles du système : fiscalité avantageuse, contournement partiel de la réglementation européenne, main-d’œuvre bon marché, effets d’échelle.

Une hyper-optimisation de la data : Shein ajuste la production quasi en temps réel en fonction des clics et des likes, là où les enseignes classiques planifient sur plusieurs mois.

Les infrastructures logistiques françaises sont pensées pour des modèles saisonniers, pas pour des micro-livraisons continues.

Il n’y a pas donc 36 solutions.

Il faudra accélérer la digitalisation de la logistique (jumeaux numériques, IA prédictive, micro-entrepôts urbains, etc.) ; développer une chaîne d’approvisionnement plus agile et flexible, même au détriment d’une partie de l’automatisation massive ; revoir le rapport au stock : aller vers du « made-to-demand », ou du flux tendu en s’appuyant sur des technologies prédictives et enfin avoir un cadre réglementaire européen plus clair : fiscalité équitable, normes environnementales, lutte contre les pratiques déloyales.

En conclusion, la fast fashion ne remet pas seulement en question les pratiques commerciales des enseignes historiques : elle attaque le socle même de leur organisation logistique. Face à des modèles disruptifs, portés par des technologies de pointe et une agilité extrême, la réponse ne pourra venir que d’une mutation profonde. Une course contre la montre est engagée : logistique intelligente, réglementation ferme, et recentrage sur la valeur ajoutée locale seront les clés de la survie.